Ce qui ne change pas (ou très lentement) dans le secteur informatique

On dit continuellement que tout change très vite dans le secteur informatique et dans les techniques utilisées dans l’électronique et l’informatique. C’est en partie vrai mais en partie seulement. Aujourd’hui, dans cet article, nous allons plutôt parler des choses immuables, celle qui ne change jamais (ou presque jamais !) et vous allez voir qu’il y en a plein de ce genre dans l’informatique justement.

Une architecture Von Neumann omniprésente

Déjà un élément qui n’a jamais changé depuis le début c’est l’architecture des ordinateurs qui encore aujourd’hui répond à un formalisme qu’on appelle l’architecture Von Neumann.

Eh oui, c’est peut-être une surprise pour vous mais c’est toujours la même architecture depuis le début. C’est aussi parce que cette organisation des composants s’est avérée être efficace et relativement facile à mettre en œuvre. La technique informatique a évolué (un peu) sur les matières utilisées pour les composants et la structure même de ses composants mais l’architecture de base, elle, n’a jamais évolué. Cela peut enfin changer à l’avenir avec l’avènement des ordinateurs quantiques qui eux, sont radicalement différents mais comme cet avènement est encore lointain je gage que l’architecture Von Neumann a encore de beaux jours devant elle.

Le silicium irremplaçable ?

Autre chose qui n’a pas bougé depuis les débuts de l’informatique moderne : c’est l’usage du silicium pour les composants électroniques. Alors il est important de préciser qu’on parle de l’informatique moderne c’est-à-dire depuis le début des années 60 pas avant ou les ordinateurs étaient encore équipés quelquefois de lampe à vide et là ce n’était pas (du tout !) du silicium. J’ai beau être un ancêtre, avoir connu la carte perforée, mon ancienneté ne remonte tout de même pas jusque-là !

Donc le silicium semble être irremplaçable, indétrônable puisque depuis le début on n’a pas fait sans y avoir recours. Pourtant il y a eu quelques tentatives, dans les années 80 par exemple, avec l’utilisation de l’arséniure de gallium mais ça n’a pas été très loin. Donc encore un domaine qui se caractérise par un certain immobilisme.

Les projets, toujours un bain de sang !

Ce qui ne change toujours pas et qui est à la limite du désespérant, c’est la difficulté de mener des projets informatiques et d’aboutir dans les délais prévus et dans le budget prévu. En vérité, plus de la moitié des projets engagés par les clients, les constructeurs ou les éditeurs n’aboutissent tout simplement pas (pas du tout !). Depuis toujours, le développement logiciel est une activité difficile qui finit le plus souvent par un échec cuisant. Les méthodes évoluent, les outils évoluent mais ce qui ne change pas c’est la difficulté d’écrire des programmes et surtout de les mettre au point de manière satisfaisante. Une percée radicale ou une évolution significative sont annoncées régulièrement mais, presque 50 ans après le livre de Frédéric Brooks (The mythical man-month, à lire absolument !), on constate toujours qu’il n’y a toujours pas de balle d’argent (there is no silver bullet) et que les projets informatiques peinent à sortir du puits à goudron (tar pit).

La hype règne en maître !

Une autre constante du secteur de l’informatique, c’est ce qu’on appelle “la hype”. Il s’agit du battage médiatique à l’occasion d’une nouvelle mode technique. Ici tous les mots sont importants en particulier le fait qu’il s’agit de mode et non pas de techniques établies. Rappelons que le principe d’une mode c’est que ça se démode !

Alors dire que ça ne change pas est légèrement inexact car en fait la hype empire d’année en année donc quelque part ça change quand même un peu. Il y a quelques décennies il était raisonnable de parler de battage médiatique à chaque fois qu’une nouvelle mode technique apparaissait et semblait prometteuse. Puis on est passé à l’exagération médiatique et maintenant j’affirme qu’on en est à l’hystérie médiatique. En effet, à chaque fois qu’une nouvelle mode technique ou une pseudo mode technique apparaît et semble être plus ou moins prometteuse, on constate un déchainement hystérique (non, le mot n’est pas trop fort) de promesses extravagantes qui n’ont évidemment aucune chance de se réaliser. Le pire a été atteint avec le web 3 qui non seulement n’apportait pas grand-chose sur le plan technique mais en plus était tout simplement une escroquerie dans sa nature même.

Des promesses, toujours des promesses

Autre chose qui paraît immuable, qui semble ne jamais changer, ce sont les promesses commerciales pour vendre l’informatique au sens large ou des nouveaux systèmes ou des nouveaux logiciels ou des nouvelles architectures. Dernièrement on en a encore eu l’exemple avec la montée puis la généralisation du Cloud, la promesse était, encore une fois, que ça allait revenir moins cher. Combien de fois ai-je entendu cela pendant mes 40 ans de carrière dans le secteur ? 

Et, à chaque fois (chaque fois, j’insiste !), cela s’est avéré inexact. Il n’y a pas que l’argument économique qui revient constamment dans les promesses exagérées du discours commercial du secteur informatique, il y a également des affirmations du genre “ça va être plus facile à développer” ou encore “l’exécution des programmes sera bien plus rapide”. Je simplifie un peu (à peine !) mais vous avez tout de suite perçu l’idée générale derrière ces affirmations car vous aussi; vous les avez entendues encore et encore…

L’immobilisme n’est pas une fatalité

J’insiste ici sur les éléments qui ne changent pas mais cela ne veut pas forcément dire que des choses sont destinées à rester toujours les mêmes y compris dans les domaines déjà cités. Je voudrais prendre comme exemple la fameuse loi de Moore qui s’était toujours vérifiée depuis le milieu des années 60 mais qui a fini par s’effacer récemment. Donc, même une situation qui perdure année après année, décennie après décennie, n’a pas vocation à être en place éternellement, comme on a pu le voir justement avec la loi de Moore. Ceci pour dire que je ne prétends pas que toute l’informatique est condamnée à l’immobilisme et que rien ne change jamais, bien évidemment. Je veux juste mettre l’accent sur des exemples significatifs qui montrent que le progrès frénétique et les changements tout azimut ne sont pas une généralité en informatique contrairement aux idées reçues.

Pas un techno-réfractaire !

J’insiste aussi sur le fait que je ne suis pas contre l’évolution technique, je ne suis même pas un sceptique de l’évolution technique. Je voudrais juste qu’on en prenne la mesure exacte plutôt que de basculer systématiquement dans les fantasmes les plus délirants dès qu’on parle de l’évolution technique et de son inévitable accélération, qui est tout ce qu’on veut sauf prouvée. La meilleure preuve que je ne suis pas un “techno-réfractaire”, c’est que ce texte que vous êtes en train de lire, je ne l’ai pas directement rédigé mais plutôt dicté directement à mon Mac puisque, désormais, cette technique est suffisamment au point pour être utilisable (après, il faut bien le dire, des décennies d’efforts). Et d’ailleurs, dicter un texte n’est pas tellement plus facile ni même plus rapide que de le taper directement au clavier parce qu’il faut savoir à l’avance ce qu’on veut exprimer.

En conclusion

Il ne s’agit pas ici de seulement dénoncer une fois de plus les idées reçues trop nombreuses et trop stupides dans ce secteur comme dans de nombreuses autres. Tout au long de ma carrière en informatique j’ai justement essayé de promouvoir de façon équilibrée ce qui me paraissait être légitime, intéressant, utilisable, applicable en un mot. et c’est pour cela que j’insiste autant à travers mes livres ou dans des articles comme celui-ci sur le côté nocif de la hype ou sur les impasses que représentent les idées reçues.

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