Et j’espère bien que c’est la dernière fois !
Je ne suis pas le seul à me lasser de cette situation où il faut encore et encore répéter les arguments concrets qui démontrent que cette mode est ridicule (par ses excès), qu’elle s’est transformée en une bulle financière et que, forcément, cette dernière finira par éclater. Gary Marcus et Ed Zitron eux aussi commencent à fatiguer.
Cela pose même une question grave sur l’état de notre société : avons-nous régressé au point où notre discernement général n’est plus capable de distinguer une situation d’arnaque globale comme l’est, incontestablement, la mode de l’IA générative ?
Avertissement : je ne suis pas en train d’écrire que l’IA générative est nulle et ne sert à rien. Je m’en sert moi aussi quasiment tous les jours (j’utilise https://chat.mistral.ai/chat). Simplement, je trouve ridicule le niveau de hype, l’émerveillement universel et les valorisations absurdes de ses promoteurs (c’est donc cette mode qui est une arnaque, pas les systèmes eux-mêmes). Rappel utile : l’IA générative n’est pas toute l’IA mais seulement une branche qui prend une place exagérée par rapport à ses performances réelles et à son utilité concrète au bout du compte. Voilà, je l’ai dit, reprenons…
Dans une dernière tentative, Ed Zitron récapitule une nouvelle fois dans cet article les arguments factuels qui devraient suffire à nous ouvrir les yeux. Comme toujours, les articles d’Ed Zitron sont très longs et je vais tenter ici de résumer ses arguments.
1- le coût de fonctionnement de ces systèmes ne va pas baisser
Selon le site The Information, le coût de fonctionnement des LLM n’est pas près de baisser :
La société -OpenAI- s’attend également à ce que la croissance des coûts d’inférence (les coûts d’exécution des produits d’IA tels que ChatGPT et des modèles sous-jacents) soit modérée au cours de la prochaine demi-décennie. Ces coûts tripleront cette année, pour atteindre environ 6 milliards de dollars, et atteindront près de 47 milliards de dollars en 2030.
Au contraire, les coûts vont désormais monter encore car dans la course “big is beautiful” les promoteurs de l’IA générative sont obligés de faire croître encore et encore la taille de leurs LLM alors que les retours décroissants sont désormais clairement là.
2- OpenAI compte jusqu’à 800 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires : c’est la preuve de son adoption !
Je comprends que ce chiffre vous excite, mais il y a quelque chose qui cloche !
Le 31 mars 2025, OpenAI annonçait « … 500 millions de personnes qui utilisent ChatGPT chaque semaine ». Deux semaines plus tard, Sam Altman affirmait qu’« environ 10 % de la population mondiale utilise beaucoup nos systèmes », ce que les médias ont interprété comme signifiant que ChatGPT compte 800 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires.
Voici trois interprétations possibles, et à vous de me dire laquelle semble réaliste :
- La base d’utilisateurs d’OpenAI a augmenté de 300 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires en deux semaines.
- OpenAI a sous-estimé sa base d’utilisateurs lors de l’annonce de son financement sur OpenAI.com, soit 300 millions d’utilisateurs.
- Sam Altman a menti.
3- Cette bulle a également été gonflée par l’échec de Google Search.
Tous ceux à qui je parle et qui utilisent régulièrement ChatGPT l’utilisent soit pour générer des contenus de mauvaise qualité, soit comme substitut à Google Search, un produit que Google a délibérément dégradé pour augmenter ses profits.
Pour être honnête, ChatGPT est meilleur que Google Search pour traiter les chaînes de recherche. Ce qui n’indique pas tant une performance de ChatGPT, mais plutôt un arrêt de l’innovation significative de Google. Avec le temps, Google Search aurait dû devenir capable d’interpréter vos recherches pour obtenir un résultat parfait, ce qui aurait obligé l’entreprise à améliorer son traitement des requêtes. Au lieu de cela, Google Search a considérablement diminué, principalement parce que les motivations de l’entreprise sont passées de « aider les utilisateurs à trouver quelque chose sur le web » à « générer un maximum de trafic et afficher un maximum d’impressions publicitaires sur Google.com ».
4- Les hyperscaleurs (AWS, MS Azure et Google) comment à se détourner de l’IA générative
La semaine dernière, Yahoo Finance a rapporté que l’analyste Josh Beck avait déclaré que les revenus génératifs de l’IA d’Amazon pour Amazon Web Services seraient de 5 milliards de dollars, une somme remarquablement faible qui A) n’est pas un profit et B) une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux 105 milliards de dollars de dépenses d’investissement prévues par Amazon en 2025, ses 78,2 milliards de dollars en 2024 ou ses 48,4 milliards de dollars en 2023.
Un rapport des analystes de Wells Fargo (intitulé « Centres de données : AWS en pause ») indique qu’Amazon a « interrompu une partie de ses discussions de location concernant la colocation… [et] si l’ampleur de cette interruption n’est pas claire… son positionnement est similaire à ce que les analystes ont récemment entendu de la part de Microsoft, qui digère les récents accords de location agressifs… se retirant d’un pipeline de lettres d’intention ou de demandes de devis. »
Pire encore, Microsoft semble avoir encore reculé, TD Cowen notant qu’il y a eu un « ralentissement de la demande » et qu’il a vu « très peu de locations à des tiers de la part de Microsoft » ce trimestre, et, plus accablant encore, « ces accords dans leur totalité suggèrent que la demande de Microsoft a ralenti de manière significative », ce qui, pour ceux d’entre vous qui se posent la question, signifie qu’il n’y a pas la demande supposée-annoncée-proclamée pour l’IA générative.
5- La tech en panique car elle est accro à la croissance, n’importe quelle croissance !
Les grands modèles de langage et leurs activités associées constituent une industrie de 50 milliards de dollars se faisant passer pour une panacée à mille milliards de dollars pour une industrie technologique en pleine déroute. La Silicon Valley est dominée par des consultants en management qui ne savent plus à quoi ressemble l’innovation, piégés par Sam Altman, un escroc avisé qui a profité de la soif de croissance du secteur technologique.
L’IA générative est la forme nihiliste perfectionnée des bulles technologiques : un moyen pour les individus de dépenser beaucoup d’argent et d’énergie dans le cloud computing, faute d’avoir mieux à faire. Les grands modèles de langage sont des logiciels cloud ennuyeux et non rentables, poussés à leurs limites – tant sur le plan éthique que technologique – pour faire face à l’effondrement de la croissance technologique.
Seule une industrie à court d’options choisirait cette bulle, et le châtiment sera lourd.
Il n’y a rien d’autre après l’IA générative. Il n’y a plus de marchés à hypercroissance dans le secteur technologique. Les entreprises SaaS n’ont plus rien à vendre. Google, Microsoft, Amazon et Meta n’ont pas d’autres moyens de poursuivre leur croissance, et lorsque le marché s’en rendra compte, ce sera l’enfer, un enfer qui se répercutera sur les valorisations, au minimum, de toutes les entreprises de logiciels cotées en bourse, et de nombreuses entreprises de matériel informatique également.
Et je crains que cela n’aille encore bien plus loin. Plus cette bulle gonflera – plus tout le monde fera semblant – plus les conséquences seront graves.
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Voilà, très résumée, l’opinion d’Ed Zitron dans son dernier article.
Mais il s’avère selon des récentes études que ce n’est que l’industrie Tech qui est en train de s’enfoncer dans une impasse poisseuse et sans retour. L’IA nous rend plus bête, tout simplement. Les gens font confiance aux systèmes d’IA car cela rend leur vie plus facile, pas parce que ces systèmes sont fiables. En fait, même quand il est prouvé que ces systèmes ne le sont pas (fiables), les gens continuent quand même à les utiliser parce que “hé, c’est trop compliqué de faire par soi-même sinon !”…