L’idée reçue générale est que tout va de plus en plus vite… Mais c’est faux, comme toutes les idées reçues ! Dans cette vidéo, j’expose pourquoi…
Dans cette vidéo, j’ai promis de mettre mon livre « Le fait Technique » disponible gratuitement…
Pour télécharger ce livre au format PDF, il suffit de cliquer sur l’image ci-dessus ou sur ce lien… Mais j’évoque également « La crise de l’IT des années 2020 » et donc, puisque c’est « Black Friday », je vais faire mon black friday à moi en vous offrant également cet autre livre !
Là encore, pour télécharger ce livre au format PDF, il suffit de cliquer sur l’image ci-dessus ou sur ce lien…
Enfin, pour être complet sur ce sujet, voici un extrait significatif du livre « Le fait technique »… bonne lecture !
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7- L’illusion de l’accélération
Nous vivons aujourd’hui dans le progrès technologique le plus lent depuis plusieurs centaines d’années.
Gary Kasparov.
Dans le chapitre précédent, je terminais par une question : comment se fait-il qu’il y ait un tel écart entre perception (tout s’accélère) et réalité (nous sommes dans une phase creuse) ?
En effet, en ce moment et depuis quelques années, quasiment tous les observateurs vous affirment que nous vivons une période où le progrès technique connaît une accélération constante.
Tout va plus vite, n’est-ce pas ?
En effet, vous l’avez constaté : on vous serine continuellement que tout va très vite, que tout se transforme de plus en plus rapidement et qu’on est submergé par ce maelstrom de nouveautés, les unes succédant aux autres avec toujours plus d’impatience, n’est-ce pas ?
C’est la perception partagée par la plupart des gens. Ils vous diront : “de nos jours ça va trop vite et on a du mal à suivre”. Ils sont tellement persuadés que c’est la vérité qu’ils se la répètent les uns les autres et cela s’appelle un biais cognitif.
La technologie semble responsable d’un flot incessant de nouveautés toutes plus incroyables les unes que les autres, qui se succèdent à une vitesse vertigineuse, croissante d’année en année. Cette accélération paraît si réelle que personne ne songe à la remettre en cause. Pourquoi ne pas y croire d’ailleurs, puisque tous vos sens semblent vous indiquer que c’est véritablement le cas ?
Mais ça ne fonctionne pas toujours de la sorte.
Ne pas confondre perception et réalité
Il y a seulement quelques siècles, les gens dans leur immense majorité pensaient que le Soleil tournait autour de la Terre et pas le contraire. Il suffisait de regarder la course du Soleil dans le ciel pour penser qu’effectivement, il en allait ainsi. Votre intuition et votre sens logique vous le faisaient imaginer faussement, mais de façon convaincante.
Et à cette époque il était tout à fait logique de penser ainsi et ceux qui affirmaient le contraire étaient très peu nombreux (et c’était dangereux en plus !). Aujourd’hui c’est la même chose : tout vous pousse à considérer que le progrès s’accélère continuellement (rappelez-vous le principe du chauvinisme temporel : mon époque compte plus que toutes les autres !) alors que la technologie est, en réalité, en train de ralentir. Bien sûr, il est tout à fait contre-intuitif d’affirmer cela et, au premier abord, personne ne vous croira si vous vous mettez à affirmer que le progrès technique n’est pas aussi rapide qu’on le dit…
La phase de maturation est systématiquement masquée
L’énorme différence entre perception et réalité s’explique par l’ignorance du public qui ne voit rien ou presque de la phase de maturation; les nouveautés semblent surgir du jour au lendemain alors qu’elles viennent de passer des années de mises au point lentes et chaotiques. L’iPhone d’Apple apparaît comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu en 2007 alors que, en vérité, l’idée du Smartphone était dans l’air depuis 1995 avec General Magic… Et on peut multiplier les exemples ainsi longtemps : toutes les “révolutions en une nuit” ont généralement demandé trente ans de maturation !
Mais, pendant ces trente ans, personne n’en parlait.
S’il y a accélération, il y a aussi ralentissement…
Le grand paradoxe que pose le concept d’accélération continue, c’est que c’est sans limites !
Or, les accélérations techniques ont bien lieu, mais elles sont aussi suivies de ralentissements, forcément sinon le rythme deviendrait vite intenable. Bizarrement, c’est mieux admis en économie : les phases de croissance sont suivies de phases de récession et tout le monde trouve cela normal. Eh bien, il en est de même pour l’évolution technique : il y a des phases de croissance (à la suite d’une percée significative) qui se calment progressivement jusqu’à aboutir à un certain marasme technique (on tourne un peu en rond), c’est le moment d’une récession, comme une respiration avant un nouveau bond en avant. Mais si l’accélération continue est une illusion (c’est le cas), pourquoi la propagande s’acharne-t-elle à vouloir nous le faire croire ?
L’état de l’art : ne pas croire la propagande !
L’état de l’art, dans tous les domaines qui reposent sur la technique de pointe, est en réalité très différent de ce que la propagande veut vous faire penser. Mais alors, me direz-vous, pourquoi nous mentirait-on à ce sujet ?
C’est la bonne question à se poser : pourquoi la propagande voudrait nous persuader que les techniques de pointe sont portées par un progrès continu et inextinguible si ça n’était pas le cas ?
À cela, il est facile de répondre : la propagande vous ment sur ce sujet, car elle a intérêt à vous peindre le futur avec du rose plutôt que du noir. C’est dans son intérêt de réenchanter l’avenir artificiellement, de façon à ce que les citoyens ne soient pas saisis d’angoisse face aux perspectives toujours plus inquiétantes. C’est même une tendance qui porte un nom, c’est ce qu’on appelle le solutionnisme : faire accepter que tout problème a sa solution et qu’elle est forcément d’ordre technique. Ainsi il n’y a pas matière à s’inquiéter : quel que soit le problème menaçant l’Humanité, la science et la technique vont y apporter une solution.
Le solutionnisme est une illusion tout comme le progrès continu des techniques. Cette illusion est une absurdité du même ordre que celle de croire à une croissance économique qui serait continue et infinie.
Extrapoler à partir du passé
Il est toujours terriblement périlleux de prédire le futur, et y arriver avec précision est encore plus aléatoire. En revanche, ce qu’on peut faire, c’est extrapoler à partir du passé. Et ce qu’on a pu voir dans le passé c’est que toutes les promesses de la propagande n’arrivent pratiquement jamais. Donc on peut légitimement douter que les voitures autonomes (par exemple) soient dans nos rues aussi rapidement qu’on nous le dit et sous la forme que l’on prévoit. À ce niveau-là, ça n’est pas qu’une surprise est toujours possible c’est plutôt qu’une surprise est quasi certaine.
Comment reconnaître une mode technique exagérée ?
En ce moment, les médias nous expliquent avec force que “l’informatique quantique”, c’est l’avenir et que ça va tout changer…
Les médias n’ont pas peur du ridicule, ils sont là pour faire de l’audience, à tout prix. Comme la nature, les médias ont horreur du vide. Quand la mode précédente commence à s’essouffler (au choix, la Blockchain, la voiture autonome ou encore l’IA), ils en cherchent une autre, n’importe quelle autre du moment que son contenu paraît sexy et accrocheur.
Car la propagande technique a ses règles qu’elle suit rigoureusement. Tout d’abord, pour vendre sa nouvelle mode, elle emploie toujours les mêmes arguments. Ils sont faciles à reconnaître et vous les connaissez déjà. C’est le fameux “c’est tellement important que ça va concerner tous les domaines applicatifs”… en clair, ça sera “tout pour tous”. Cette proposition est absurde et toujours démentie, mais elle joue son rôle. Celui d’allumer les signaux d’alerte dans l’esprit des lecteurs et donc d’attirer leur (faible) attention.
En effet, la grande majorité des gens n’analysent nullement ce qu’ils voient passer, ils se contentent de réagir, nuance. Et pour déclencher cette réaction (émotionnelle plutôt que rationnelle, forcément), rien de tel qu’un argument massue s’appuyant sur la peur : tout va changer grâce/à cause de cette technologie, préparez-vous !
Dans le cas de l’informatique quantique, ce serait risible si ça n’était pas désolant de voir que les mêmes ficelles (grossières) sont utilisées encore et encore. Car, soyons sérieux, l’informatique quantique n’en est qu’à son tout début et ne va pas produire des résultats significatifs avant au moins une dizaine d’années. C’est comme si on extrayait un prématuré de sa couveuse en prétendant qu’il allait battre le record du 100 m nage libre… ridicule et dangereux.
Les technologies mises en lumière trop tôt souffrent de cette exposition médiatique prématurée. Certes, dans un premier temps, l’argent se met à couler à flots sur les quelques équipes de recherche concernées (notez bien, on parle ici “d’équipes de recherche”… pas un hasard !), mais, quand la déception va arriver (et elle arrive toujours) ces crédits vont se tarir brutalement (ça se termine toujours comme cela et c’est déjà arrivé de nombreuses fois).
La technologie ainsi malmenée ne va pas disparaître, elle va continuer à évoluer lentement en mode discret, car c’est ainsi que cela fonctionne : les “révolutions en une nuit” mettent vingt ans à maturer, discrètement, en mode souterrain. La biotech ou la nanotech ont été des déceptions, car mises en avant trop tôt, bien trop tôt. Mais depuis qu’elles sont retournées dans l’obscurité, elles continuent à évoluer, à progresser, lentement mais sûrement. Un jour, elles reviendront sur le devant de la scène pour enfin produire leurs effets et changer la donne.
En attendant, apprenez à décoder la propagande et évitez de tomber dans les “pièges à gogos” qui sont continuellement renouvelés.
Ni techno-pessimiste, ni techno-sceptique
Je peux parfois donner l’impression que je nie le progrès technique… Rien n’est plus faux !
Le problème essentiel vient de la façon dont les nouveautés techniques sont présentées au grand public. À chaque fois, la nouvelle technique à la mode est accompagnée de promesses faramineuses à grands coups d’adjectifs ronflants (« révolutionnaire » est le terme le plus souvent utilisé). Mais ça ne veut pas dire que c’est forcément un pétard mouillé pour autant. L’Internet, par exemple, n’a pas tenu toutes les promesses du temps de la bulle des dotcoms, mais il n’en a pas moins changé beaucoup de choses (depuis le commerce en ligne qui a redéfini nos pratiques de consommation jusqu’au cloud qui a redéfini notre façon de gérer l’informatique). Finalement, l’Internet peut être vu comme une déception seulement si vous avez cru à toutes les fables proclamées dans les années quatre-vingt-dix.
Je sais que la technique finit toujours par progresser, presque inexorablement, et ce dans quasiment tous les domaines. Mais j’insiste, cette progression prend simplement plus de temps (toujours plus de temps !) que ce qui en est dit (un exemple : les « autoroutes de l’information » de Bill Gates sont bien là avec les CDN, mais quarante ans après avoir été annoncées… une paille !).

