
Bien IA, bien…
À première vue, il n’y a absolument aucun rapport entre la crise Covid la guerre en Ukraine et la toute récente vague de l’IA générative. Mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit au contraire qu’il y a de nombreux points communs que je vais vous expliciter ici.
En effet, après plus de trois ans d’un délire extraordinaire et unanime, le monde va peut-être enfin sortir de son admiration pour l’IA générative car ce château de cartes rapidement assemblé et tenant debout péniblement, est effectivement en train de finalement s’effondrer. Hélas, la crise qui va déclencher l’effondrement final de la bulle de l’IA ne va pas être suivi d’un examen post mortem rigoureux afin de comprendre comment autant de gens ont pu s’être fait berner aussi profondément pendant toutes ces années. Et c’est en cela que la prochaine crise de l’IA ressemblera en tous points à la crise Covid et à la guerre en Ukraine.
Revenons rapidement sur ces deux grandes crises qui ont vraiment marqué la première moitié de ces années 2020.
Covid : une crise sanitaire ou un test social ?
Lors de la crise Covid, les médias et les gouvernements ont été unanimes : nous étions en danger de mort (quasi-certaine !) et notre seule voie de salut était d’accepter des injections non-testées (et mises sur le marché en faisant fi de toutes les procédures mais l’urgence du péril le justifiait disait en coeur les gouvernants et les “médecins de plateau TV”…) mais dont les promesses fabuleuses ressemblaient au business-plan d’une jeune startupper ambitieux. Une fois que ce vent de folie est passé et que la poussière est retombée, que reste-t-il de tangible ?
Tout d’abord que ces soit-disant vaccins n’avaient pas été testés pour la transmission de la maladie (mais alors pour quoi ?), que les effets secondaires étaient nombreux et sévères et, enfin, que l’ampleur du danger annoncé avait été (très) largement exagéré, aidé en cela par des critères statistiques qui avaient été redéfinis pour l’occasion (voir les ouvrages de Pierre Chaillot). En clair, un enfumage à grande échelle dont on n’a pas fini de mesurer la profondeur…
Bien entendu, il y aurait beaucoup plus à dire sur cet épisode ahurissant que nous avons tous vécu douloureusement. Mais le format de cet article m’oblige à résumer et c’est pour cela que je vous renvoie aux livres de Pierre Chaillot qui sont édifiants sur la question !
La guerre en Ukraine : c’est la faute des Russes on vous dit !
Selon les médias et la croyance populaire, la guerre en Ukraine aurait commencé le 24 février 2022 alors que, en vérité, elle a vraiment débuté en avril 2014. Au passage, soulignons ce tour de passe-passe impressionnant de nos médias et gouvernements : avant févier 2022, la crise Covid était LE sujet le plus important de tous et après cela, on en parle plus, on oublie, on passe à autre chose… La guerre que les Russes nous ont imposée !
Ah, on peut dire que la transition a été rapide et complète : même dans mon village il y avait des drapeaux ukrainiens dressés au niveau du rond-point principal (drapeaux qui ont disparu au fil des mois…). Pendant toute l’année 2022, il n’y en avait plus que pour la pauvre Ukraine agressée et opprimée par les méchants russes. On a tout entendu à cette occasion : que l’Ukraine était un paradis démocratique et un exemple pour nous tous (plus un mot sur la corruption généralisée et bien connue de ce pays), que son président était un héros (alors qu’il s’agit d’un triste clown) et que les russes étaient en train de perdre cette guerre (dois-je rappeler l’anecdote des composants prélevés sur les machines à laver ?).
Bien sûr, tout cela s’est avéré être largement mensonger (y compris le sabotage de Nord Stream où, en dépit de l’absurdité de l’explication, les médias se sont empressés de beugler “ce sont les russes !”) et il est clair désormais que les russes ont largement le dessus dans ce conflit et que déverser des milliards sur l’Ukraine ne va rien y changer (sauf pour nous qui nous appauvrissons à vue d’œil !).
Ici aussi, je suis contraint de résumer drastiquement mais je vous encourage à lire “La défaite de l’occident” d’Emmanuel Todd, tout y est dit.
Dernier acte de cette tragédie : l’IA qui va être tout pour tous !
Nouveau sujet proéminent en novembre 2022 : ChatGPT fait l’actualité en présentant un chatbot qui est censé répondre à toutes les questions avec intelligence et précision. Bien vite, la phase “d’émerveillement” passée, les plus éveillés se rendent vite compte que ce nouvel oracle miraculeux délire souvent. On ne compte plus les cas où les réponses sont absurdes voire hilarantes. Peu importe cette fiabilité lamentable, le mouvement était lancé et tout devait s’effacer devant lui !
Encore une fois, on a assisté à cette unanimité médiatique qui est tout à la fois écrasante et (surprise !) mensongère. Qu’un Sam Altman raconte n’importe quoi avait peu d’importance puisque tous l’avait érigé en nouveau prophète infaillible, les milliards pleuvaient sur ce secteur et les prédictions délirantes (et anxiogènes) suivaient : vous serez tous remplacés par l’IA !
En vérité, l’IA avait bon dos pour justifier les vagues de licenciements qui se sont succédées depuis deux ans et qui sont surtout le contrecoup de la vague de surembauche qui a suivi la crise Covid. Aujourd’hui, le château de cartes commencent à trembler car la bulle financière ne peut plus se justifier si les progrès ne sont plus là. Or, ChatGPT5 l’a montré : les LLM sont frappés par les retours décroissants comme c’était prévisible (et annoncé par Gary Marcus, entre autres).
On pourrait épiloguer longtemps sur les excès de cette vague délirante et j’ai souvent publié à ce sujet. Mais il me paraît plus intéressant d’essayer de comprendre pourquoi nous, en tant que corps social, sommes si vulnérables à la propagande.
Or, les bulles spéculatives sont de mieux en mieux étudiées et voilà (très résumé) ce qu’on a constaté : ces bulles naissent et croissent de réactions excessives à de faux signaux (très amplifiés par le caisse de résonance médiatique), de l’idée que tout le monde investit et que vous devez donc investir vous aussi. Elles naissent de la peur de rater la prochaine grande opportunité (le fameux FOMO). Que faire lorsque la pression pour participer à une bulle est forte ?
Beaucoup d’entre nous sont dupés par des biais cognitifs. Comme l’a démontré le lauréat du prix Nobel Daniel Kahneman, nous avons tendance à croire ce que nous entendons beaucoup (Daniel Kahneman, Thinking Fast and Slow, Farrar, Straus and Giroux, 2011). Lorsque nous entendons beaucoup parler d’une nouvelle technique par nos pairs ou dans les médias, nous avons tendance à croire qu’elle aura bientôt un large marché. L’une des sources de ce buzz est la multiplication des sites d’actualité sur la tech en ligne, amplifiée par les réseaux sociaux via les likes et les partages sur X, LinkedIn et Facebook, créant ainsi une illusion de validité (tout n’est qu’illusion !). Le message de base est répété et des détails supplémentaires sont ajoutés, même lorsque ces détails peuvent être sans intérêt, comme ceux concernant le régime alimentaire, la personnalité et les vêtements des fondateurs et des trop fameux “tech bros”.
Philip Fernbach et Steven A. Sloman approfondissent les biais cognitifs dans leur ouvrage, The Knowledge Illusion: Why We Never Think Alone (2017). Ils démontrent que nous pensons comprendre quelque chose parce que d’autres ont développé des explications et des modèles. Cela conduit tout le monde à un excès de confiance, que ce soit sur un sujet simple ou aussi complexe que la probabilité de succès ou d’échec d’une nouvelle technique. Ces biais cognitifs sont un facteur important qui favorisent la croissance des bulles spéculatives qui, rappelons-le, ne profitent qu’à quelques-uns.
Conclusion : arrêtons d’être les victimes de la propagande !
Ce qui est valable pour l’IA est (hélas) également valable pour la crise covid ou la guerre en Ukraine : ces trois épiphénomènes ont tous reposé sur des intenses propagandes mensongères (toutes les propagandes sont mensongères !). Il ne faut plus accorder aucun crédit aux médias habituels : ils se sont discrédités sur le covid, ils se sont discrédités sur l’Ukraine et ils ont dit n’importe quoi sur l’IA (allant jusqu’à inviter une sombre cloche comme Laurent Alexandre pour parler sur l’IA !). Même les médias spécialisés en tech ont été décevants pour la plupart (avec quelques exceptions pour les plus petits d’entre eux). Et les “influenceurs” ?
Pareil, très peu ont eu le courage de ne pas aller avec le flux.
Le bilan est désastreux mais il faut être réaliste : il n’y avait rien à attendre de ces “relais”, ils sont tous identiques. La diversité n’est qu’apparente, ils puisent tous aux mêmes sources et se conforment tous au même discours.
Ce qui faut faire est simple : à chaque fois, se poser les bonnes questions et en l’absence de réponses claires et précises, passer son chemin et ne pas croire le nouveau délire de la pensée unique (car il y en aura d’autres, forcément !). Pensez par vous-même sinon, d’autres le feront à votre place et à votre débit.