Un extrait de “Affaire classée” mon dernier livre en date…

Voici un (long) extrait de mon livre “Affaire classée” qui est aussi mon tout premier roman policier… En fait, c’est le chapitre quatre tout entier que je vous propose ici !
Ne me remerciez pas, c’est tout naturel !

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4- Trudeau entre en jeu

 

Le soir même, à l’hôtel, nous fîmes une vidéoconférence avec le brigadier Dubois afin de lui faire part de nos premières impressions. Corinne Minier faisait preuve d’une grande maîtrise d’elle-même et ne laissait rien paraître. Elle n’essaya pas de jouer l’épouse éplorée et a tout de suite avoué qu’elle avait pris de la distance vis-à-vis de son mari. Il y a quand même des choses qui ne collent pas tout à fait avec sa version. Tout d’abord, elle donne peu d’explications sur sa certitude que ce soit bien le robot qui est la cause de la mort. Ensuite, elle dit s’être inquiétée lorsque Pierre est resté trop longtemps dans sa salle… mais, justement, les vidéos de surveillance disent le contraire : les époux Minier vivaient chacun de leur côté dans cette grande maison et chacun ne semblait guère s’occuper de ce que faisait l’autre…

Mais c’était encore peu de choses, pas assez pour l’impliquer. Donc, si on ne pouvait encore l’écarter complètement des soupçons concernant cette affaire, rien ne permettait encore d’en faire une suspecte.

Zacharie Dubois était d’accord avec nous : il fallait désormais se concentrer sur les “aspects techniques” de l’enquête. Maintenant que l’autopsie de la victime était terminée, il fallait arriver à faire de même sur le robot et aussi arriver à faire parler l’ordinateur portable afin que les vidéos de la salle d’entrainement nous révèlent ce qui s’était réellement passé.

Nous décidames de nous répartir le travail : je m’occupais du robot et Claude du portable.

Le lendemain matin, j’appelais Allied RB au téléphone afin de savoir qui était l’expert en matière de robotique qui pourrait nous aider dans le diagnostic de cette machine. Assez rapidement, on me mit en rapport avec Éric Trudeau qui avait conçu le robot en question sous les directives et la supervision de Pierre Minier, l’homme de la situation quoi !

Trudeau accepta finalement de me rejoindre au laboratoire scientifique de la police belge où le robot était entreposé bien qu’il ait d’abord demandé (et même insisté) à pouvoir examiner le robot dans les ateliers d’Allied RB. J’ai dû lui expliquer que c’était légalement impossible et que, durant toute l’enquête, le robot devrait rester au laboratoire scientifique de la police belge comme “pièce à conviction”. De plus, il ne pourrait l’approcher et encore moins le toucher sans que je sois présent à tout instant et pour toute la durée nécessaire au diagnostic.

À l’heure dite, nous voilà donc tous les deux dans une grande pièce carrelée où se trouve le robot. Celui-ci est allongé sur la paillasse du labo. Éric me demande s’il peut commencer et je l’invite à procéder, curieux de voir comment il va faire… Il sort tout d’abord un espèce d’appareil d’électricien, genre voltmètre/ampèremètre afin de (je suppose) mesurer l’activité électrique éventuelle de la machine. Il fait vite la grimace…

– Ça va pas être facile, il n’a plus du tout de jus dans la caisse !

– C’est-à-dire ?

– Eh bien, le robot est autoalimenté par le courant qui est présent dans ses accumulateurs. S’il n’y a pas de courant, ça va pas être évident de procéder à un diagnostic…

– Vous pouvez contourner cela ?

L’alimenter en électricité depuis l’extérieur, ça doit être forcément possible, non ?

– Oui, mais pas évident avec l’équipement de ce “labo”… ça serait bien plus facile chez nous.

– Comme je vous l’ai déjà expliqué, ça va pas être possible…

– Je sais, je sais, simplement, c’était pour dire que vous ne me facilitez pas la tâche. Vous savez, les techniciens aiment bien râler, car on leur demande toujours des trucs impossibles à faire… alors, râler est notre manière de valoriser nos difficultés.

– Je comprends, je vous assure que je comprends. D’autant que nous avons tout notre temps, prenez la journée si c’est nécessaire, pas de problème, je peux attendre. Les seuls trucs qu’on ne peut pas faire, c’est bouger le robot et vous laisser seul avec lui.

– Et vous avez bien raison de ne pas me laisser seul avec ce truc, car là, j’ai vraiment envie de le réduire en poussière !

De plus, moi, je n’ai pas toute la journée : j’ai du travail qui m’attend au bureau. Bien plus de travail que je le voudrais, mais c’est ainsi. J’ai des équipes à superviser, des projets en retard, et ainsi de suite, vous savez ce que c’est.

– Rassurez-vous, je suis en mesure de vous procurer les documents de réquisition qui vous permettront de justifier votre absence auprès de votre employeur. Ce que vous faites-là pour moi, ce n’est pas me rendre service, c’est obéir à une injonction officielle, rien de moins.

Éric grogna et retourna à son travail. Cela prit deux bonnes heures pour alimenter de nouveau le robot en électricité. Éric m’expliqua que c’était long, car il prenait beaucoup de précautions afin de ne pas aggraver la situation actuelle qui, selon lui, “n’était déjà pas brillante !”. Au bout de ce long délai, il put enfin brancher un câble de diagnostic dans un interstice presque invisible du robot : fallait vraiment savoir que c’était là et à quoi ça servait pour s’y brancher !

Mais ma joie fut de courte durée, car je voyais bien qu’Éric n’obtenait pas grand-chose en sondant les différentes mémoires de stockage de cette machine.

– Bon, soyons clairs, y a plus rien de lisible dans ce truc !

J’espérais avoir les dernières images vidéos de la dernière utilisation, car il stocke en continu la dernière minute d’utilisation, mais c’est mort, y a plus rien, tout est effacé… le seul truc que j’ai réussi à lire, c’est la log système.

– Et que dit la “log système” ?

– Pas de quoi monter au plafond, j’en ai peur !

La log système enregistre juste les timestamp de mise sous tension et de mise en veille. Donc, à part les dates et heures d’utilisation du robot (heure et date précise de son activation à sa mise en sommeil et la durée de cette période), on ne saura rien de valable.

– Donc, votre diagnostic est bien que le robot a été détruit par le seau d’eau que l’épouse a lancé sur la machine, vous confirmez ?

– Un peu que je confirme !

Pour lui ça a dû être horrible : raz-de-marée et tremblement de terre en même temps, la totale !

Tous les circuits “nobles” ont grillé, et plutôt deux fois qu’une. Ne reste que le noyau système qui n’a pas trop souffert, mais c’est aussi parce que c’est le mieux protégé. Tous les autres circuits ont pris des surtensions massives parce que le voltage des servomoteurs s’est répandu partout, ça a dû être vraiment terrible. C’est même pas la peine de le démonter pour voir ce qui est récupérable et ce qui ne l’est pas : pour moi, tout est grillé et ce tas de ferraille est désormais bon pour la casse, même les recycleurs n’en voudront pas.

En fait, c’est même un miracle que j’ai pu le réactiver, mais ça, c’est parce que le noyau était encore en état sinon, on faisait chou blanc partout.

– Donc, si je vous suis bien, cette machine ne peut rien nous apprendre à part quand elle a été utilisée et combien de temps à chaque fois, c’est ça ?

– Tout à fait cela, rien d’autre à en tirer. Désolé de ne pouvoir plus vous aider. Je peux retourner à mon travail maintenant ?

– Encore une question, une question importante : cette machine peut-elle avoir été piratée à distance ?

– Piratée à distance ?

Mais pour quoi faire ?

– Eh bien imaginons que j’en veuille à la vie de Pierre Minier et que j’ai appris qu’il se servait d’un robot de combat pour s’entrainer… pas difficile de se dire qu’il suffit de prendre le contrôle du robot pour le transformer en une arme, une arme mortelle.

– Alors là, je vous arrête tout de suite : on peut l’imaginer, oui. Mais le faire, alors là, c’est une autre paire de manches !

– Et pourquoi pas ?

On a des centaines d’affaires de détournement de machines, y compris à distance. Vous n’avez pas entendu l’affaire de l’enlèvement du PDG de Volvo peut-être ?

Eh bien s’est arrivé alors qu’il était à bord de sa voiture de fonction… autonome. Les truands ont pris le contrôle de la voiture et l’on amenée tout gentiment à leur repère plutôt qu’au domicile du PDG !

– Oui, mais pour prendre le contrôle à distance, il faut que la machine en question soit dotée d’un moyen de communication… or, notre robot n’en avait pas, aucun, zéro. C’était un proto, réalisé sur mesure pour Minier selon les desiderata de Minier. S’il s’était s’agit d’une machine régulièrement commercialisée, bien sûr qu’on aurait inclus un module de communication, ne serait-ce que pour pouvoir faire les diagnostics à distance et ainsi de suite. Mais là, la place nous manquait et, en plus, Minier n’en voulait pas. On n’avait même pas de système de sécurité, c’est vous dire !

J’en ai discuté plusieurs fois avec Minier, mais il ne voulait rien entendre : il voulait son robot tout de suite, il ne voulait pas attendre qu’on ait soigneusement calibré les servomoteurs afin de ne pas déclencher de coups trop appuyés… mais pas le temps pour cela, on lui a livré dès qu’on eut terminé l’assemblage et les premiers tests. C’était de la folie, je le savais, mais Minier avait trop de poids dans la boîte pour que je puisse m’y opposer.

Pour tout vous dire, je n’ai pas vraiment été surpris quand j’ai entendu les nouvelles de l’accident…

– Mais nous n’avons pas encore conclu à un accident…

– Et que voulez-vous que ça soit ?

Minier a abusé de son robot, s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, un coup trop brusque, un angle trop fermé et voilà, vos cervicales sont brisées et adios…

– Oui, ça expliquerait tout en effet. Sauf que…

– Sauf que quoi ?

– Sauf que Minier n’a pas reçu UN coup malencontreux, il a reçu une pluie de coups mortels. C’est un passage à tabac en règle qui a tué Minier, pas un geste trop appuyé d’une machine innocente et mal calibrée. Le robot s’est véritablement acharné sur Minier et il ne peut l’avoir fait que s’il était programmé pour cela.

De plus, je vous rappelle qu’avant cette soirée fatale, Minier a utilisé le robot sans aucun problème pendant des jours et des jours… S’est-il plaint auprès de vos services que le robot fonctionnait mal durant cette période ?

– Euh non, pas que je sache…

– Vous voyez, pas si simple, hein !

Donc, j’en reviens à ma question de base : le robot pouvait-il être piraté pour être détourné de son fonctionnement normal ?

Étant entendu que cela ne pouvait se faire à distance, j’ai bien compris, mais peut-être depuis le domicile des Minier, à leur insu…

– Ben, rien n’est impossible en matière d’électronique. Surtout qu’il s’agissait d’un proto vraiment à l’état brut. Le port de diag n’était même pas protégé par mot de passe, les échanges entre les modules n’étaient pas cryptés et ainsi de suite. Si cela n’avait dépendu que de moi, jamais cette machine n’aurait quitté nos ateliers.

Finalement, c’est une bonne chose que madame Minier l’ait détruite.

Je ressentis une impression bizarre en l’entendant évoquer Corinne Minier. Quelque chose d’indéfinissable sur le moment, mais qui sonnait faux.

– Donc, un piratage reste dans le domaine du possible ?

– Oui, oui, c’est possible. Mais faut quand même un niveau de compétence pas banal et, à part quelqu’un travaillant chez nous et connaissant nos protocoles, je ne vois pas de hacker capable de faire cela.

N’ayant plus rien à lui demander, je laissais Trudeau retourner à son travail, mais j’ai eu du mal à dissiper la fausse note finale de cet échange…

Le soir, retour à l’hôtel et encore une vidéoconférence avec Dubois pour faire le point à trois. Rien de mirifique de mon côté : Trudeau restait convaincu qu’il s’agissait d’un accident, mais sans pouvoir le prouver (et ce n’est pas le robot qui allait nous y aider). Du côté de Claude, pareil, morne plaine : l’ordinateur portable de Minier s’avérait très coriace, car si le mot de passe système n’avait résisté que quelques heures, il s’avérait que les vidéos elles-mêmes étaient sévèrement cryptées elles aussi.

Et là, il ne s’agissait pas seulement d’un mot de passe à faire sauter, mais bien de contenus lourds à reconstituer octet par octet, un travail de titan qui allait forcément prendre du temps.

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