Qu’est-ce qu’une mauvaise journée d’écriture ?

Je me suis posé cette question : à quoi sert ce blog ?

La réponse est simple : comme tous les blogs d’amateurs, il sert à faire partager une passion commune, sincèrement et complètement. Alors, pour être tout à fait complet, je vous propose aujourd’hui de partager avec vous à quoi ressemble “une mauvaise journée d’écriture” que j’ai eu dernièrement…

Cette fois, il ne s’agit pas de la classique panne d’inspiration ou le manque d’envie (déjà évoqué par ailleurs) mais d’une journée en apparence productive (j’ai pu écrire une bonne partie de la journée) mais qui, malgré tout, ne donne pas les résultats espérés. En clair, j’ai rédigé un chapitre entier du tome III de “Perdu dans le temps” mais ce dernier est bon à refaire. Cela m’arrive rarement. Généralement, quand j’arrive à écrire, je suis plutôt content du résultat (en toute modestie bien sûr !).

Donc, voici le contenu en question… Tout d’abord, les notes que j’avais pour ce chapitre (notes rédigées il y a des semaines) :

Topper s’aperçoit (en analysant les messages) qu’un endroit est très actif et concentre pas mal de monde : une “clinique” au CR05.

Il veut s’y inflitrer afin de comprendre ce qui s’y passe… Avec l’aide d’Abel et du Colonel, il parvient à y creuser son trou et ce qu’il y voit est stupéfiant : des historiens interrogent des dizaines de personnages célèbres qui sont là bien vivants !

On y trouve Staline, Mao, Hitler, Freud, Napoléon, etc.

Topper est fasciné et il arrive à nouer des liens avec un collègue et il lui parle de son maitre : Henri Guillemin. Dès le lendemain, celui-ci (Guillaume Hoche) lui présente une réplique de Guillemin bien vivante et prête à entamer le dialogue !

Stupéfait par ce nouveau prodige, Topper demande à Guillaume comment il a pu réussir un tel prodige ?

Guillaume répond, désinvolte, que c’est facile, qu’il suffit d’en faire la demande à “ceux du monde réel”… devant cette évocation, Topper n’arrive pas à y croire : que veut donc dire Guillaume par “ceux du monde réel” ?

Il l’interroge mais c’est alors au tour de Guillaume de rester interdit : il pensait que Topper était comme lui, un injecté parfaitement au courant de sa vraie situation…

Ensuite, le résultat dans son état brut (aucune correction comme vous allez pouvoir vous en rendre compte) :

Chapitre X – La clinique

Camp CR5, date inconnue

Uwe Topper et le Colonel s’étaient matérialisés dans une clairière fleurie, un endroit bien agréable quand on est habitué au désert de pierres du TP1… Au bord de cette clairière se dressait un imposant batîment tout en bois, parfaitement intégré dans le paysage.

Colonel- Allons-y !

Topper- Comme ça, au culot ?

Colonel- Vous avez une meilleure idée ?

Si ça se passe mal, on aura qu’à sauter au TP1. Je garde mon doigt sur le bouton, n’ayez pas peur…

Topper- Vous avez raison. Allons-y.

Les deux hommes se dirigèrent vers le batîment et y entrèrent sans difficulté : la porte n’était pas fermée et l’entrée n’était pas gardée. À l’intérieur régnait une intense activité : des personnages en blouses blanches passaient d’une pièce à l’autre en discutant fievreusement ou absorbé à lire des documents… L’ambiance suggérait qu’il se passait ici quelque chose d’important.

Topper- C’est sûrement bien ici que ça se passe !

Colonel- Enfilez cela, il vaut mieux se fondre dans le décor…

Le colonel avait saisi deux blouses blanches accrochées au mur et il en passait une à Topper tout en enfilant l’autre. Les deux complices ressemblaient aux autres désormais. Le couloir principal semblait très fréquenté et c’est naturellement qu’ils s’y engagèrent. Ce couloir évoluait rapidement et prenait des allures d’aquarium avec des larges baies vitrées de part et d’autre. Ces fenêtres donnaient dans des pièces où des gens étaient assis autour de petits bureaux. Mais, en y regardant mieux, ces “gens” étaient faciles à reconnaitre : dans une pièce on identifiait un sosie de Staline, Hitler était dans la suivante et ainsi de suite. Les personnages historiques du XXème et même du XIXème siècle étaient légion !

Colonel- Qu’est-ce que ça signifie ?

Topper- Je n’en ai aucune idée !

Colonel- Pourquoi une organisation ferait autant d’efforts pour rassembler des sosies de ces personnages ?

Ils veulent ouvrir une sorte de “musée vivant” ?

Topper- Et s’il ne s’agissait pas de sosies ?

Colonel- Pas des sosies ?

Pourtant, je les trouve plutôt ressemblant, criant de vérité même !

Topper- Justement, je trouve même que tout cela fait un peu trop “vrai” pour être seulement une mascarade. De plus, tous ces types en blouse blanche ont trop l’air sérieux et affairés pour que ce soit seulement un projet de type musée ou une exposition… Non, il y a autre chose.

Colonel- Que fait-on alors ?

Topper- On reste et on essaye d’en savoir plus. Il faut qu’on arrive à s’intégrer, qu’on puisse interroger au moins un de ces type.

Colonel- Comment ?

En le coincant dans un placard et en le menaçant ?

On risque surtout de se faire repérer et de devoir fuir sans avoir appris grand chose…

Topper- Non, je pensais plutôt à la méthode douce. On entre dans un des pièces et on prend des notes, comme font les autres. Avec peu de chance, ça va passer tout seul.

Colonel- Comme vous voudrez mais, à la première alerte, on se barre dans un coin sombre et j’appuie sur le bouton… J’ai pas envie que notre présence suscite trop de questions, d’accord ?

Topper- ça marche mais vous me laissez parler avec les autres, vous n’intervenez pas, compris ?

Le colonel suivit Topper docilement. Incroyablement, ce dernier semblait parfaitement dans son élément. Il alla directement dans la pièce qui donnait directement sur celle où “Napoléon” était présent. L’empereur qui portait son uniforme habituel n’était pas seul : un des scientifiques en blouse blanche était assis en face de lui en train de l’interroger. De l’autre côté de la baie vitrée, quelques observateurs étaient en train de prendre des notes. Topper et le colonel se mélèrent au groupe sans problème, leur arrivée ne créa aucune réaction chez ceux qui étaient déjà présent.

Au bout d’un moment, l’un deux alla se prendre un verre d’eau au fond de la pièce… Topper en profita pour lier la conversation.

Topper- Je viens d’arriver de l’université de Cologne… C’est impressionnant ce que vous faites-là !

Guillaume Hoche- Oui, c’est intéressant mais tous les sujets n’ont pas le même niveau de réalisme. C’est justement ce qu’on essaye d’évaluer avec ce Napoléon… Celui-là vient juste d’être réveillé et on est encore en train de lui expliquer la situation.

Le colonel regardait nerveusement Topper en train de discuter avec Hoche mais l’historien semblait très à l’aise. Il questionnait le scientifique comme si cétait vraiment un collègue rencontré lors d’un colloque !

Topper- Si je comprend bien, vous faites partie de l’équipe d’évaluation ?

Hoche- Oh les équipes ne sont pas encore vraiment formées en fait !

On est justement en train d’observer librement d’un sujet à l’autre afin de choisir sur quelle expérience on va travailler. Les équipes vont commencer à vraiment se former à partir de demain. Quel est votre champ d’expertise ?

Topper- Je connais assez bien le XIXème siècle…

Hoche- Ah, d’où votre intérêt pour notre Napoléon. Celui-ci est la première génération… On doit le considérer comme un prototype, un galop d’essai pour voir ce qu’il faut corriger par la suite. Mais bon, même des sujets de première génération peuvent offrir des bonnes surprises quelquefois. Par exemple, on m’a dit que leur Freud a été considéré comme opérationnel dès la première génération !

Et, du coup, les spécialistes sont déjà tous dessus, évidemment… Il y a plus de possibilités sur les sujets qui ne sont pas encore validés. Si notre Napoléon vous plait, vous êtes le bienvenu.

Topper avait l’air confortable mais, en vérité, il était complètement héberlué de ce qu’il voyait et entendait… Il repris place derrière la baie vitrée au côté de Hoche en essayant de comprendre le dialogue qui avait lieu entre l’Empereur et le scientifique qui l’interrogeait.

Au bout d’une demi-heure, le colonel le tira par la manche et les deux complices sortirent de la pièce.

Colonel- Vous avez compris ce qui se trame ici ?

Topper- J’avoue que je suis un peu perdu. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une opération s’appuyant sur le clonage pour tester des implants mémoriel. Ou alors, il s’agit de sujets qui ont été “capturés” lors de raids sur leur ligne temporelle mais je ne vois pas l’intérêt d’aller chercher Napoléon pour ensuite l’interroger ici… Bref, pour en avoir le coeur net, il faut que je tire les vers du nez du type avec qui je discutais tout à l’heure.

Colonel- D’accord mais restez prudent.

De retour dans la pièce, Topper pris place au côté de Hoche afin de pouvoir reprendre la conversation quand l’occasion le permettrait. Très vite, c’est Hoche qui se tourna vers Topper…

Hoche- Alors, convaincu ?

Il a l’air pas mal, hein !

Topper- Mais quand le sujet est réveillé, que lui racontez-vous pour qu’il puisse admettre cette situation ?

Moi, si je me réveillais loin de mon époque, je me poserais de sérieuses questions !

Hoche- Sauf si vous êtes persuadé de votre propre mort !

Eh oui, c’est ça le truc : on leur fait croire qu’ils viennent de mourrir et que ces séances sont une préparation avant le jugement devant Dieu, tout simplement !

Et ça marche à tous les coups : quelle que soit votre culture ou votre époque, même si vous n’étiez pas croyant de votre “vivant”, le fait de se retrouver devant le tribunal divin rend humble et obéissant même les plus féroces dictateurs… ça marche tellement bien qu’on l’utilise tout le temps désormais. Au début, on avait essayé toutes sortes d’histoires mais avec des résultats trop variables. Finalement, c’est le spécialiste en théologie de Lausanne qui a proposé cela et bingo, c’était la bonne manière.

Topper- Ah oui, c’est astucieux… Mais alors, vous vous faites passer pour des anges ou quelque chose comme cela ?

Hoche- Des anges ?

Non, simplement des “employés divins” mais c’est aussi pour cela que tout le monde ici porte la blouse blanche, ça fait uniforme et ça impressionne pour pas cher !

Sérieusement, une fois que l’explication est intégrée, c’est le sujet lui-même qui génére son propre conditionnement pour accepter le reste.

Topper- Mais pourquoi se donner tant de mal ?

Pourquoi ne pas aller étudier les sujets directement dans leur époque respective ?

Hoche- Mais qu’est-ce que vous croyez ?

Avant de les injecter dans leur époque, il faut bien valider leur comportement et c’est ce qu’on fait ici, tout simplement !

Comment faites-vous à Cologne ?

Topper- Oh, ils doivent faire pareil, certainement !

Mais moi, c’est la première fois que je vois cela… Voyez-vous, je viens du département des archives, c’est la première fois que je viens sur le “terrain” donc j’apprend au fur et à mesure, tout est nouveau pour moi !

Hoche- Ah, c’est ça !

Rassurez-vous, pour moi aussi, ça m’a fait pareil la première fois : j’étais tout désorienté et je n’arrivais pas à croire tout ce que je voyais. Tout parait si réel pourtant…

Topper- Ravi d’apprendre cela. Je suis Uwe Topper et voici Erich Helling, mon assistant. Enchanté de faire votre connaissance Monsieur…

Hoche- Je m’appelle Guillaume Hoche et je travaille à l’université de Lyon. Je serais honnoré de vous servir de guide lors de vos premiers pas ici et, croyez-moi, ça ne sera pas de trop pour s’y retrouver !

C’est ma quatrième séance et je n’ai pas encore tout vu… J’ai encore encore quatre heures devant moi et vous ?

Topper- Euh, pareil en fait.

Hoche- Bien, en quatre heures, on a le temps de voir deux-trois trucs fascinants, suivez-moi !

Topper et le colonel passèrent les heures suivantes avec Hoche, passant d’une pièce à l’autre afin d’entendre les entretiens avec des personnages illustres comme Bismark, Lincoln ou Napoléon III. A la fin de la journée, Guillaume Hoche prit congé d’eux en disant “mon temps est presque écoulé, il faut que j’aille vite en salle de réveil ! Et surveillez l’heure vous aussi, quatre heures, ça passent vite !”.

Nos deux complices laissèrent partir Hoche sans répondre et se retrouvèrent tous les deux, passablement perturbés.

Topper- Que faut-il penser de tout cela, mon colonel ?

Colonel- C’est bien le diable si j’arrive à choisir ce que je dois en penser !

Soit on est tombé sur des fous, soit c’est nous qui le sommes…

Topper- Bon, essayons de résumer ce qu’on vient de voir :

1) les personnages historiques ont l’air authentiques… c’est pas des sosies en tout cas, ça c’est sûr !

2) ils ont l’air de croire l’histoire qu’on leur raconte… le réveil après la mort et le tribunal divin.

3) ils n’ont pas été kidnappés depuis leur lignes temporelles et emmenés de force ici…

Colonel- D’accord avec tout cela… des clones alors ?

Topper- Oui, peut-être. Mais quelque soit le “quoi” ça ne nous dit pas le “pourquoi” !

Peut-être que si on arrive à comprendre la motivation derrière cette opération bizarre, le reste paraitra plus clair ?

Colonel- Que fait-on maintenant ?

Topper- On y retourne : personne ne fait attention à nous, on est bien intégré, profitons-en pour essayer d’en apprendre un peu plus.

Je suis complètement passé à côté de ce que je voulais écrire dans ce cas. Les aspects intéressants ne sont pas développés (par exemple, on n’entend pas du tout les personnages historiques !), le développement se termine dans une espère d’impasse et le ton n’y est pas non plus… Comment expliquer un pareil ratage ?

Assez simplement en fait : même si j’ai des notes pour un chapitre je ne les suis pas rigoureusement, ce sont juste des éléments pour m’aider à me remettre dans le contexte, pas plus. Ci-fait que quand je me met à écrire, cela peut diverger assez largement. D’habitude, ça donne plutôt des bonnes surprises mais pas cette fois. Je le partage avec vous sans honte parce que, heureusement, ça ne m’arrive pas souvent et que cela me semblait intéressant d’aborder cet aspect du processus.

Ce contenu a été publié dans Livres. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Qu’est-ce qu’une mauvaise journée d’écriture ?

  1. Foulcher dit :

    Article bien intéressant. Qui met en lumière les coulisses de l’écriture – comme toute création.(Idem pour une peinture entre l’esquisse et le final.) Mais il n’y a que toi qui connais tes notes et qui peux parler de ratage et de sensation de total écart. En fait, le plus passionnant, c’est justement cette évolution, cette divergence. Les brouillons d’écrivains sont très riches ; voir cette expo :
    http://expositions.bnf.fr/brouillons/index.htm
    Tes notes sont juste un tremplin d’envol; ensuite, le plus intéressant : raturer, supprimer, en fait reprendre possession du texte et de son cours.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *