Les “200 miles de Daytona, la plus grande course du monde”, vraiment ?

Dans le livre “Freedom Machine”, j’évoque l’édition 1970 des 200 miles de Daytona qui vit la victoire retentissante d’une Honda CB750 aux mains expertes de Dick Mann.

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Et, effectivement, retentissante cette victoire le fut bien car elle déclencha le succès commercial de la CB750 ou, tout du moins, c’est comme cela que l’interprétèrent les observateurs du marché : gagner à Daytona le dimanche assure des grosses ventes le lundi…

Du coup, en 1971, le vaincu de l’édition 70 (Triumph/BSA qui n’arriva que second) mis le paquet avec deux équipes alignant les meilleurs pilotes du moment : Romero, Castro, Nixon et Smart du côté Triumph, Hailwood (oui, Mike the bike himself !), Mann (le vainqueur de l’édition précédente), Emde, Aldana et Rice du côté BSA. Honda n’alignant pas d’équipe d’usine cette année-là, la voie semblait grande ouverte pour le groupe anglais.

Pendant la course, la bagarre fit rage entre Paul Smart (qui avait fait la pôle lors des qualifications) et Hailwood (qu’on ne présente plus). Mais ces deux-là ne virent pas l’arrivée (une constante pour Smart qui signa plusieurs fois la pôle à Daytona mais sans jamais terminer…). Comme en 1970, c’est ce vieux renard de Dick Mann qui ramassa la mise en alliait vitesse et régularité de la meilleure façon : sans trop fatiguer le matériel.

Smart (N°12) et Hailwood sont en train de se faire une bon baston mais l’arrivée est encore loin…

Cette belle victoire (Triumph et BSA monopolisait le podium) ne sauva pas le groupe anglais comme on le sait. La plus grande course du monde, ainsi que la présentait ses promoteurs floridiens ne pouvait faire l’impossible !

En 1972, les forces en présence étaient encore plus relevées puisque Suzuki et Kawasaki s’alignaient avec des machines deux-temps légères et puissantes. Les records promettaient d’être battus !

Le team Hansen Kawasaki avant le départ avec Duhamel (17), Nixon (9) et Smart (8). Les machines verte paraissaient irrésistibles à ce moment-là mais, comme souvent, 200 miles, c’est long…

Norton avait remplacé Triumph-BSA dans le rôle du vaillant challenger anglais et alignait une équipe forte de Peter Williams et, surtout de Phil Read… Au départ, les Kawasaki firent un festival avec Yvon Duhamel qui mena pendant les quinze premiers tours. Puis, Jody Nicholas sur Suzuki pris le relais quand Duhamel se retrouva aux stands. Mais la Suzuki usait trop ses pneus pour aller jusqu’au bout à ce rythme… C’est donc Don Emde (sur une Yamaha 350) et Phil Read qui héritèrent de la tête jusqu’à ce que le pilote Norton soit retardé lors de son ravitaillement. Emde n’eut alors qu’à gérer la seule opposition de Hempstead (lui aussi sur Yamaha) pour triompher, bien des années après son père (qui avait déjà gagné cette course sur une Indian mais en 1948 lui…).

Dom Emde dans le “winner circle” avec son père (chapeau) à ses côtés…

C’était la première victoire d’un deux-temps et c’était d’autant plus remarquable que la Yamaha de Emde ne cubait que 350 cc !

En 1973, Suzuki et Kawasaki ont remis cela avec des équipes encore renforcées. Allors que Yamaha s’y est mis sérieusement aussi (une vraie équipe d’usine avec, entre autres, Saarinen !), l’édition 72 montrant que les 350 pouvaient avoir leur chance, avec un peu d’aide des circonstances. Et, une fois encore, ce sont les circonstances qui ont dicté le résultat final : les Kawasaki ont dominé les premiers tours avec Duhamel et Bauman jusqu’à ce que les deux petits hommes verts se mettent par terre avec un bel ensemble !

Les Suzuki ont alors pris le relais avec Nixon puis Perry. Mais il était dit que ce n’était pas encore l’année des gros trois cylindres deux-temps… Par contre, une 350 TZ était la bonne monture, surtout avec le Finlandais volant au guidon !

Le “Flying Fin” (N°10) avec Carruthers (N°73) à ses côtés !

Venant à bout de cette longue et épuisante course, Jarno Saarinen décrocha une magnifique victoire devant son équipier Carruthers et Jim Evans (tous les trois sur Yamaha). Le manager de l’équipe Yamaha était hilare et, pour fêter cela, appela au téléphone ces collègues des teams Suzuki et Kawasaki pendant les jours suivants pour leur rire au nez (sans autre parole) avant de raccrocher… Chaude ambiance !

L’édition 74 promettait d’être la plus belle de toutes et, effectivement, elle le fut. Cette fois, on pouvait dire qu’il ne manquait vraiment personne puisque même Agostini était là, au guidon des toutes nouvelles et formidables Yamaha TZ700.

Après une belle bagarre regroupant Roberts, Sheene, Nixon et Ago, la fin de course se résuma à une affrontement entre Nixon et Ago (Roberts était distancé à cause d’un problème mécanique).

Avant le départ, Nixon (N°9) et Sheene (N°7) sur Suzuki peuvent encore y croire…

Mais Nixon (Suzuki) se mit par terre en essayant de rattraper l’italien après son ravitaillement et, hop, encore une victoire pour Yamaha…

Agostini (N°10) à pleine vitesse sur le banking, vers la victoire !

La victoire d’Agostini fit un certain bruit car c’était sa toute première course sur une machine deux-temps… Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maitre et ceux qui doutaient du maestro en furent pour leurs frais…

1975 marqua le début du déclin pour l’épreuve floridienne : le fameux accident de Sheene aux essais était de mauvais augure… Mais la course fut bien pâle avec l’élimination de Roberts sur casse mécanique (jusqu’à là ultra dominant) et la victoire finale de Gene Romero (devant Baker et Cecotto, alors encore quasiment inconnus, encore une podium tout Yamaha !).

L’édition 75 fut surtout marquée par le terrible accident de Barry Sheene, à pleine vitesse sur le banking !

En 1976, ce fut pire : le bel affrontement entre Roberts et Cecotto (tous les deux sur Yamaha d’usine) fut gâché par les pneus qui ne tenaient pas la distance (Roberts fut obligé de rentrer aux stands pour en changer, Cecotto put éviter l’arrêt de justesse, il n’aurait pas fallu que la course fasse un seul tour de plus…). Ce fut encore pire en 1977 où  il était clair, dès les premiers essais, que les pneus étaient incapables de couvrir la distance (surtout les goodyear en fait). Les organisateurs prirent la décision de scinder la course en deux manches mais alors, les 200 miles perdaient leur spécificité. Steve Baker triompha d’une course sans lustre qu’Agostini avait déserté depuis longtemps…

Cecotto, beau vainqueur de l’édition 76, la dernière de la belle époque de Daytona…

La suite fut un long et triste déclin, Daytona redevint une course principalement américaine où les Yamaha 750 dominaient sans partage. La TZ700 puis 750 avait tué la concurrence et tué l’épreuve par la même occasion. Mais les organisateurs surent ensuite réinventer la course en mettant en avant la catégorie des machines dites “de production” et, ainsi, contribuèrent à donner naissance, bien des années après, à la catégorie Superbikes toujours aussi animée aujourd’hui… Un bel héritage finalement pour ce qui fut, un temps, “la plus grande course du monde” !

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2 réponses à Les “200 miles de Daytona, la plus grande course du monde”, vraiment ?

  1. administrateur dit :

    Il ne reste plus grand chose aux 200 Miles de Daytona : la toute dernière édition (2015) ne fut même pas télévisée !
    http://www.motorsportmagazine.com/race/motogp/motorcycle-racings-dwindling-classics/

  2. administrateur dit :

    En 2016 non plus, la course ne fut pas télévisée mais il n’empêche que Daytona est toujours un succès important car la “bike week” a remplacé la “speed week” en quelques sortes… C’est plus de 500 000 personnes qui viennent chaque année pour cette semaine où la moto sous toutes ses formes est reine !

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