Après le rapport “poids/puissance”, penchons-nous sur le ratio “risque/sensations”…

Je viens juste de faire plus 300 kms (aller et retour) juste pour essayer une Royal Enfield Bullet 500 (le modèle 2015).

La Bullet 500 dans toute sa gloire !

En fait, il y avait longtemps que je voulais essayer cette machine, car son (relatif) succès récent m’intriguait : comment une moto aussi rustique peut-elle (bien) se vendre dans nos contrées ?

Que cela s’écoule en Inde, fort bien; c’est logique : construction locale, performances modestes mais suffisantes vu le réseau routier indien (!), prix abordable, longue tradition, etc.
Mais chez nous ?
OK, il y a la mode néo-rétro qui est bien présente mais de là à plébisciter un modèle qui nous vient tout droit des années cinquante (à peine modernisé), il y a de la marge tout de même !

D’où mon intérêt pour cet ovni des deux-roues motorisés, cet engin anachronique mais qui dégage incontestablement un certain charme : celui de l’authenticité. Finalement, ce petit test s’est déroulé quasiment comme prévu (j’avais pris le temps de me documenter et lisant les essais réalisés par d’autres) et je n’ai pas eu de surprise : la Bullet n’a pas besoin de compte-tours car le niveau de vibrations du moteur vous indique tout de suite si vous êtes sur le bon rapport ou pas !
Certes, la puissance est limitée mais pas tant que cela finalement, suffisante diraient les ingénieurs de Rolls & Royce… Elle freine correctement (le frein AV semble bon, le frein AR est plutôt paresseux) et je n’ai pas poussé assez pour évaluer la tenue de route mais, clairement, ce n’est pas une moto sportive. La selle parait un poil dure et la position de conduite est aussi un peu bizarre (bien moins bonne que sur ma Breva).

En fait, cette machine doit s’évaluer à l’aune du contexte d’aujourd’hui : la course à la performance est terminée depuis longtemps. On s’est focalisé sur le rapport poids/puissance pendant des décennies parce que cette donnée était clé dans les performances des machines que les constructeurs nous proposaient. Les constructeurs Japonais ont tout essayé dans ce cadre, même le turbo dans les années 80 (et il parait qu’il va redevenir d’actualité mais je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle…).

Et puis, les progrès dans tous les domaines ont fini par changer en profondeur le comportement des motos modernes. Aujourd’hui, une moto ratée, c’est vraiment rare !
Le ratage se fait plutôt au niveau choix de l’utilisateur : celui qui prend une super-sportive pour faire des grands trajets s’est trompé de film. Pareil sur celui qui achète une grosse GT pour simplement rouler moins de 1500 km par an sous le prétexte que “big is beautiful” (alors qu’il veut simplement frimer en garant sa moto devant les troquets…). Bref, le choix d’un deux-roues doit plus que jamais se faire en fonction de votre cahier des charges. Surtout que, rappelons-le, rouler à deux-roues n’est pas ce qu’il y a de plus rationnel (sauf en ville avec un engin adapté : un scooter) : c’est fatigant, c’est dangereux et ce n’est guère pratique (capacité d’emport limitée donc, pas bon pour faire les courses !). Sans même parler des intempéries : quand on s’est fait rincer une fois à moto, on sait de quoi je parle !

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Bon, on trouve toujours de cas où on a pas trop le choix !

N’allez pas croire que je suis réfractaire à certains types de motos !
Par exemple, j’adore les super-sportives mais sur la piste uniquement (d’ailleurs, dans le même ordre d’idées, viendrait-il à l’idée de la faire de la route avec une trial ?). Sur la route habituelle, une R6, ou une Ducati Panigale est vite une source de fatigue plutôt que de plaisirs…

Dernièrement, grâce à Hélice Motos, j’ai pu essayer le scooter C650 (la version “sport”).

Toujours pareil : j’étais intrigué par le succès du T-Max (Yamaha) et donc, je me disais que j’avais loupé quelque chose dans mon opinion sur les scooters… Le C650 est la réponse de BMW au T-Max. Une très bonne réponse, une très bonne machine (il y aurait beaucoup à dire de positif sur le C650 mais ce n’est pas vraiment le sujet de ce post) mais, clairement, pas pour moi : finalement, même si le fait de ne plus à avoir à passer les vitesses est très confortable, je m’aperçois que cela me manque trop. Cela et plein d’autres choses : si je roule à deux-roues, je veux que cela soit sur une moto et que je le ressente… Sinon, il ne reste plus que le côté irrationnel du deux-roues et je ne suis pas heureux.

Donc, avouons-le, la moto est d’abord et avant tout un engin de plaisir, surtout de plaisir. Plaisir des sensations intenses. Mais, comment faire le plein de ces sensations à notre époque où nos motos ne vibrent plus, où elles commencent à nous protéger du vent (pour certaines) et, d’une façon générale, roulent de mieux en mieux en transmettant de moins en moins de trépidations à leur pilote ?

Jusqu’à présent, la réponse était simple : rouler vite. Mais comment est-il encore possible de rouler vite de nos jours ?
On connait tous la réponse : sur routes ouvertes, ce n’est plus possible.

La vitesse, ok, mais uniquement là où c'est adapté : sur circuit (ici, le tracé de Carole).

La vitesse, ok, mais uniquement là où c’est adapté : sur circuit (ici, le tracé de Carole).

Il faut donc réévaluer notre échelle d’appréciation de nos motos avec un nouveau ratio. Oublions le rapport poids/puissance car nos machines modernes sont désormais trop parfaites pour être juger sur un critère enfin dépassé. Il faut maintenant juger de ce qu’apportent nos machines avec le ratio risques/sensations. Si, pour éprouver quelque chose, il faut rouler au moins au-dessus de 120 km/h… Eh bien, c’est beaucoup moins positif que si je peux me contenter de rouler à 90 et quand même ressentir des sensations. Bien sûr, c’est pour cela qu’une marque comme Harley affiche un tel succès : ses machines ne sont guère performantes mais elles diffusent bruit et vibrations dès les plus faibles vitesses. Bien vu et bien joué.

HD Superlow rider 2014. Le succès des Harley vient d'un élément simple : voici des motos que l'on peut sentir vivre !

HD Superlow rider 2014. Le succès des Harley vient d’un élément simple : voici des motos que l’on peut sentir vivre !

C’est selon cette logique qu’il faut juger la Royal Enfield Bullet : ses défauts deviennent alors des qualités !
Oui, la Bullet va limiter votre vitesse de croisière en commençant à devenir “très vivante” dès 90 km/h mais c’est justement ce qu’il faut et ce qu’on doit vouloir puisque tracer à grande vitesse sans trépidation est devenu un non-sens.

Les machines modernes sont devenues des motos trop parfaites et, alors qu’on considérait il y a encore pas si longtemps que de gommer les aspérités était un progrès, ça ne l’est plus maintenant qu’on est dans une impasse. Il faut ralentir tout en conservant les sensations que nous recherchons. Pour cela, il faut des motos vivantes, avec du caractère et des traits marquants, pas des engins aseptisés qui ne commencent à se révéler qu’à des vitesses interdites.

Certaines motos récentes que j’ai essayé dernièrement m’ont fait la même impression que la Zero (un moto électrique) : pas de défaut mais pas de vie non plus. Prenons un exemple simple : la gamme MT de Yamaha. La MT09 et 07 sont sûrement de très bonnes machines mais jamais je n’achèterais une de ces motos… Car le moteur me fait l’effet d’une turbine (le bruit est le même d’ailleurs !). Alors que chez Yamaha, il y a encore des machines attractives voire captivantes : la Bolt ou la V-Max, il suffit de les essayer pour comprendre !

La V-max est monstrueuse dans tous les sens du terme, y compris là où ça compte : les sensations, même à basses vitesses !

La V-max est monstrueuse dans tous les sens du terme, y compris là où ça compte : les sensations, même à basses vitesses !

Toutes les motos que j’ai essayées dans ma vie de motard m’ont finalement appris une chose, encore et encore : l’agrément de conduite vient principalement du comportement moteur. Si vous avez un moteur creux ou plat (comme le précédent modèle de Triumph Bonneville, le modèle récent et bien mieux et heureusement !), c’est carrément barbant à piloter. En revanche, un moteur coupleux et disponible rend la moto agréable même si elle n’est pas vraiment puissante. Eh bien, ça va devenir vrai aussi pour la partie-cycle : les motos trop parfaites sur ce plan sont ressenties comme “lisses”, trop lisses. Les motos vivantes doivent montrer qu’elles ressentent la route, pas qu’elles l’avalent et la digèrent sans vous demander votre avis. Nous voulons rouler sur deux-roues, pas sur un tapis volant !

Bref, tout cela pour dire que nous devons chercher et trouver notre plaisir dans une zone désormais plus étroite, à des vitesses forcément plus lentes et c’est pour cela que nous devons nous concentrer sur les sensations et non plus sur les performances.

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